(Article sans spoilers dedans, tu peux y aller)
Il y a dans la vie des œuvres, des moments, des découvertes qu’on ne peut garder pour soi. Mon dernier film vu en salle en fait partie.
Dimanche, j’ai profité d’un moment relativement statique à la maison (À savoir mon mari, des amis, qui attendaient le match de rugby France-Ecosse, des enfants à la sieste… Perfect timing bonjour!) pour m’éclipser vers le cinéma le plus proche. Un moment volé qui n’arrive plus si souvent.
Au programme, « Jusqu’à la garde » un film de Xavier Legrand, dont j’avais entendu de bonnes critiques, notamment sur France Inter. Une histoire forcément difficile, de garde d’enfants, de violences quotidiennes, (bref, de la joie en barre) de situations qu’on peut connaître, sans le savoir, croiser en bas de chez nous. Mais si j’aime beaucoup les livres et le cinéma pour m’évader, je les aime aussi pour provoquer des émotions quelles qu’elles soient, chez moi. J’ai été servie.
Happée dès les premières minutes.
Le sujet
L’histoire est, au départ, tristement banale : un jugement, froid, de garde d’enfants au sein d’un couple divorcé. En jeu, un garçon de 11 ans. La mère, Miriam (Léa Drucker), souhaite la garde exclusive de son fils, pour le protéger, prétend-elle, d’un père violent. Le père, Antoine, (Denis Ménochet) un homme imposant et meurtri, réfute, veut construire un lien avec son fils. Au milieu, on apprend que le fils ne veut plus voir son père, mais plus du tout. Et c’est là que tout se joue, puisque la juge prend une décision sur une entrevue de 15 mn avec les parents et leurs avocats. L’enfant verra son père un we sur deux, pour être juste. Sans véritable preuve de violence, peut-on vraiment savoir si le père est dangereux ? Ou si la mère a influencé ses enfants ? S’en suivent des séquences en plans serrés d’un père qui n’est pas le bienvenu, venu chercher son fils pour passer du temps avec lui, une mère qui s’efface, un enfant qui ment pour éviter les problèmes. Peu à peu, la tragédie familiale se meut en un thriller subtil et terriblement angoissant. Car peu à peu, on devine ce qui se passe, on se pose une question, puis on ne s’en pose plus du tout. Le puzzle se dessine devant nos yeux de spectateurs médusés. Et on ne sait pas jusqu’où cette situation peut aller. Ou du moins, on en a peur.
ce que j’ai aimé
Avant tout, je suis tout simplement sidérée par le travail si juste des 3 personnages principaux. La mère, Léa Drucker blême, quasi-éteinte qui ne peut pas maîtriser dans les ondes de choc de son divorce. Le père, une armoire à glace, qui semble dès le départ contenir tant de choses en lui, et dont on ne sait pas si on veut le réconforter ou fuir devant sa carrure.
Mais la palme revient sans aucun doute à l’enfant, joué par Thomas Gioria dont on voit la terreur, les évitements, le malaise dans chacun de ses regards, de ses pleurs. Il sait ce qui peut arriver. Et je ne sais toujours pas comment un enfant peut « jouer » ça.
Par-dessus tout, j’ai également été scotchée par la maîtrise du réalisateur (même si je ne suis pas une pro du métier, juste une spectatrice). Chaque plan, chaque séquence, avec trois fois rien, nous enfonce un peu plus dans la violence d’une séparation difficile, dans la violence qui peut surgir envers un enfant, envers un parent. La violence, voilà ce qui s’impose à nous. Et nul besoin de beaucoup de dialogue pour cela. Xavier Legrand joue avec nos nerfs, multiplie les scènes simples, mais oppressantes, jusqu’à un final où la tension est à son comble (la mienne l’était), dans lequel chaque bruit et chaque silence ont leur importance. (Pendant que toi tu retiens le moindre de tes souffles)
Je ne suis pas sûre de vouloir revoir ce film : Je suis sortie avec le coeur battant à 100 à l’heure, et un léger mal de crâne. Mais bon sang, quelle bombe.
Un coup de maître.
En salle depuis le 7 février 2018